Pourquoi tout nommer ?

Est-ce que cela m’aide de tout étiqueter ?

Aujourd’hui, tout doit être nommé, étiqueté, rentré dans une case. Une tendance, une situation, une relation doit être forcément classée sous peine de ne pas vraiment exister. Pourquoi est-ce que nous éprouvons ce besoin de tout classer ? Et est-ce vraiment nécessaire ? 

Emma, une histoire hors cadre

Emma* vit heureuse en couple, elle a aussi un très bon ami , Tom*, avec qui elle flirte, échange des messages sexuels, sans envie que cela aille loin. Quand je l’ai rencontrée, elle culpabilisait et vivait mal cette situation. Et vous, en lisant ces lignes qu’avez-vous pensé ?

« Elle ne devrait pas, c’est mal, elle va tromper son mari, c’est son amant, ou futur amant c’est sûr ! » Et encore, je pense que j’écris les choses poliment contrairement à ce que certains pensent. Le réflexe premier est de rentrer cette relation dans une case, en jugeant au passage cette femme. Alors pour être claire, Tom est lui aussi en couple. 

Emma cherchait elle-même à définir cette relation, à la nommer, amant sans l’être complètement, copains avec affinités… Et le jour où je lui demande pourquoi elle ressent cette nécessité de nommer sa relation avec Tom, elle n’a aucune réponse. Elle ne sait pas. En réalité, nommer cette relation ne lui sert à rien. 

Elle a besoin de comprendre ce qu’elle cherche dans cette relation, quelles limites elle se fixe. Emma a envie de fun, pour des raisons qui n’appartiennent qu’à elle. Elle ne souhaite pas remettre son couple en question. Elle décide de poser ses bases à Tom en lui expliquant tout cela. Il a compris et cherche la même chose, juste des messages funs. Et finalement, tout cela leur appartient, l’important étant qu’ils le vivent bien. 

Cette histoire peut vous choquer, heurter vos principes. Vous pouvez être tenté de la traiter de femme infidèle, de taxer leur relation d’adultère. Cela vous apporte quoi ? Est-ce que cela vous rassure, vous sécurise ?

Une étiquette et tout est dit

En effet, souvent je pense que de nommer les relations, les situations cela nous rassure. Mettre un nom dessus nous donne l’impression de les comprendre. Si vous écoutez certains médias, vous constaterez qu’ils fonctionnent de la sorte. Dès qu’une nouvelle situation, une nouvelle tendance, un nouveau fait divers apparaît, ils nomment, collent une étiquette et tout est dit. 

Par exemple, une nouvelle actrice sera étiquetée Brigitte Bardot, Catherine Deneuve. Un jeune chanteur sera qualifié de nouveau Johnny Hallyday ou Miossec. Bref, cette actrice, ce chanteur ne peuvent pas être évoqués pour eux-mêmes, pour leur talent, leurs qualités et leurs défauts. Il est visiblement nécessaire de les étiqueter dans une filiation à une célébrité pour les accepter.

Est-ce si difficile de les écouter, d’apprendre à les connaître pour eux-même ? Je trouve que le fait de les classer, c’est finalement nous empêcher de vraiment les découvrir. Pas besoin de case, acceptons-les pour qui ils sont. 

J’ai l’impression que de tout cadrer, cela nous évite de comprendre, d’apprendre. Et aussi, le fait de rentrer dans une case, c’est un moyen de mettre à distance. En effet, quand vous cherchez vraiment à comprendre, vous créez un lien. Alors que, quand vous étiquetez, vous pouvez ensuite mettre au fond du placard et fermer la porte. 

En outre, quand vous étiquetez, vous passez par une phase de jugement au lieu d’être tolérant. Prenons l’exemple de toutes les techniques de bien-être, vous avez parfaitement le droit de ne pas vous y intéresser. Vous pouvez avoir essayé et que cela ne vous convienne pas. Vous pouvez aussi trouver que cela vous fait du bien. Chacun est libre de penser ce qu’il souhaite, d’essayer ou pas. Par contre, le fait de rentrer toutes ces techniques dans une case est-ce souhaitable ? 

Ce que cela dit de nous

Pour ma part, j’ai essayé beaucoup de choses : travail thérapeutique avec un psychiatre, EMDR, hypnose, réflexologie, sophrologie, cohérence cardiaque, tai chi chuan, yoga, pilates, shiatsu, mémoire cellulaire, … Et je n’ai pas fini d’en tester. Elles ne me conviennent pas toutes. Je ne rejette pas, je ne classe pas, je prends ce qui me convient.

Finalement, le fait d’étiqueter vous ne croyez pas que c’est associer à une forme de jugement ?

Ainsi, dans mon cabinet de shiatsu à Tours, vous me parlez des étiquettes qui vous sont collées et qui vous font souffrir. Une a souffert de l’étiquette « intello », un autre de l’étiquette « gros », un de celle « nul en cours », …

Parfois, il arrive que des couples se brisent sous le poids de la mise en case. Carla* et Fred* ont rompu, épuisés par les regards incessants sur leur couple : elle en études universitaires, lui en apprentissage. Tout le monde disait que leur couple n’avait pas d’avenir. De la case au jugement, je trouve que la frontière est quasi inexistante. 

Finalement, le fait de classer les relations, les situations, cela en dit plus sur nous que sur ce que nous étiquetons. Dans le cas de Carla et Fred, qu’est-ce qui autorise à leur mettre des étiquettes intello, manuel et à en déduire que leur couple n’a pas d’avenir ? 

Quand nous sommes tentés de rentrer quelque chose dans une case, d’abord rappelons nous que cela nous arrive à tous (je le pense). Et ensuite, essayons de nous demander pourquoi nous en ressentons l’envie. Puis ouvrons-nous, nous avons toujours quelque chose à apprendre. 

En fait, tous les sujets, une relation, une situation, une personne, … , peuvent être mis dans des cases. Pour moi, cela ne sert à rien. Je préfère écouter, chercher à comprendre, apprendre à connaître? Classer, comparer n’est pas nécessaire, ouvrons-nous à la singularité, à la diversité c’est tellement enrichissant. 

*les prénoms sont modifiés